INDISCRETIONS A BORD DE PORZ AL

Six sur un Selection 37, c’était le nombre minimum d’équipiers pour faire avancer le bateau lors des Tours de France à la Voile des années 1980.

Ça tombe bien, nous sommes six, y compris le skipper Sébastien en cette matinée du samedi 10 mars, annoncée comme sèche par notre spécialiste météo : Jérôme.

Les « Sans Bateau Fixe » ou pas font connaissance, sous l’œil bienveillant et ravi de Sébastien. A priori, les hautes et basses bastaques, les réglages rapides puis fins leur paraissent des éléments connus…

Alors, tous vont essayer de faire marcher la carène qui est propre, lisse d’un mois travail à la petite cale et enduite d’un antifouling sur lequel (au prix que cela coûte !) aucun micro-organisme n’a prise.

Le spi est envoyé comme dans les manuels, et on pointe un peu pour passer laisser à bâbord les bouées prévues. Alors, normal il y a des départs au lof, mais bien vite contrôlés : On choque en grand, la grande pelle de safran remet facilement le bateau dans l’axe et c’est reparti. Les barreurs se cèdent spontanément la place pour que chacun participe à la fête, et bien sûr, ça chambre un peu : « Houa ! on se traîne maintenant, on voit qu’on vient de changer de barreur »… et suivant le degré de retenue des équipiers, ça sourit ou ça rigole franchement !

Notre équipière bretonne perd son bonnet, et on hésite entre une manœuvre d’homme à la mer et terminer tranquillement nos bières que Sébastien nous a servi en chope… Le dilemme a été de courte durée, je vous laisse en deviner l’issue…

Nous sommes maintenant au près serré sur la route du retour, avec des rafales estimées à vingt nœuds, tout dessus.

Alors, on a repris du cunningham, pour que le creux soit à sa place, on a repris de la bordure pour que la voile soit plate, comme est plate la mer par ce vent de sud et privilégier ainsi le cap sur la puissance.

Parfois, le liston est dans l’eau, alors on s’arrange pour faire dégager l’excès de vent en l’aidant à s’échapper dans les hauts de la grand-voile : « Vrillé-tendu, qu’ils disaient, les régleurs de half-tonners dans les années 80-85 »

Sur la cellule arrière, on a repris du pataras pour bananer le mât et donc vriller la voile. C’est un réglage pour au moins quelques secondes, pour un renforcement qui dure un peu, comme vient de le conseiller Sébastien.

Les régleurs de Grand-voile discutaillent, écoutons les :

L’un dit : « Choque sur la barre d’écoute, on ouvre le plan de voilure ! »

L’autre dit : «  Attends, j’ai mieux. On garde la bôme dans le même axe, tout en ouvrant dans les hauts. Je t’explique. Au près le hale-bas ne sert à rien, donc on peut l’ouvrir. Ensuite tout en reprenant du chariot de grand-voile, on choque l’écoute. Si tu synchronises bien, la bôme monte dans son axe, tu dégages la surpuissance de la rafale, puis la rafale passée tu reprends ton réglage »

« Génial, je ne connaissais pas ! » dit le troisième, mais j’ai une alternative : « Dans la rafale, tu ne touches à rien, mais tu pointes jusqu’à déventer le premier quart de ta grand-voile qui ne sert à rien, puisque ce n’est pas la partie propulsive de ton extrados. Le bon dosage, c’est l’angle de gîte constant qui te le fournit. Tu gagnes en cap, tu ne perd pas en vitesse… C’est Bertrand Chéret, le voilier, qui le premier a expérimenté ce réglage dans le Pertuis Breton »

Les petits gars causent… Ils n’ont même pas remarqué qu’il pleuvait bien serré , comme dans les prévisions de Jérôme… Mais c’est normal, car comme le répète l’auteur de ces lignes, plaisance veut dire plaisir… et du plaisir, il s’en affiche sur le visage de Sébastien qui se régale du bonheur de son équipage…

Alors, au ponton, il nous a régalé d’un vin blanc qui n’avait pas démérité et pour les plus audacieux d’une rincette d’un rhum 10 ans d’âge, pour parfumer le fond de notre tasse de café accompagné de délicieux macarons offerts par notre amie brestoise décidemment peu rancunière.

Merci collectif à Sébastien pour cette belle nav !

Pierre-François