La nuit, tous les caps sont gris.

Publié le par sebs

Puisqu’on me le demande, je me lance dans la rédaction d’un article purement « voile ». Juste pour relater ma dernière sortie en mer.

Hé ho ma belle, déjà que je te laisse regarder par-dessus mon épaule quand j’écris, si c’est aussi pour entendre des commentaires du genre « ça va être d’un chi…, vont tous réclamer mes articles. Yes ! »

Bref, comme annoncé sur le blog depuis belle lurette, Gwenvidik prendra le départ de la régate GPICO de Boulogne pas plus tard que ce week-end. Et ça se prépare bien à l’avance, une régate « Grand Prix International de la Côte d’Opale ». Ch’tite explication : Grand Prix, ça fait un peu Formule 1, mais ne vous y trompez pas, la vitesse de pointe ne devrait pas dépasser 8 nœuds (pour ceuzes qui savtent pas combien ça fait, il suffit de donner votre langue à wikipedia…). Ensuite, International, à Boulogne, ça veut dire que les participants seront Français + 1 Belge (moi). Et enfin, pour vous rendre compte de l’importance de l’évènement, la Côte d’Opale, vous savez, celle qui s’étend de la frontière belge jusqu’aux environs du…  Touquet.

Bref…

Il a donc fallu amener Gwenvidik à Boulogne, faire les formalités d’inscription, retrouver cette foutue licence (dans quel bateau l’a-t-on laissée ?). Ah, vous croyiez que c’était une partie de plaisir que de régater en mer. Vous vous trompiez et j’en veux pour preuve le récit qui va suivre !

Les organisateurs avaient tout prévu : la programmation de la régate le week-end qui suit celui de l’Ascension. Donc, 4 jours pour amener Gwenvidik de Dunkerque à Boulogne, c’est dans le domaine du faisable, n’en déplaise à certaines mauvaises langues.

C’était sans compter sur le machiavélisme exacerbé de ma douce et tendre moitié. Et c’est avec l’aide non moins cynique d’anciennes collègues que ma savoureuse et délicate âme sœur s’en fût, par une journée belle et ensoleillée au beau milieu de ce fabuleux long week-end de 4 jours, dévaliser des magasins de beau linge avec effet dévasteur pour ma carte de banque.

C’est donc dans l’urgence et sans le sou que je dus convoyer mon pauvre destrier vers son port de repos d’avant la régate GPICO (prononcez GéPICO).

Et comme un malheur ne s’abat jamais seul, mon annuaire des marées m’a fait comprendre que pour naviguer avec des courants portants, je devais prendre la mer à 3 heures et demie du matin. Petit calcul de compte à rebours mental : démarrer le moteur et larguer les amarres, 5 minutes. Aller faire pipi (trop tôt pour popo, toujours ça de gagné), 2 minutes 30. Douche, 0 minute, d’où l’intérêt de naviguer en solitaire, on peut dormir plus longtemps. Manger la tartine que j’ai préparée la veille et boire un verre de lait, 6 minutes 34. Non, pas de café, jamais avant 10 heures. Sinon trop brutal le réveil.

Faudra me faire penser à demander au chef du port de Dunkerque pourquoi les femmes de ménage viennent en pleine nuit pour nettoyer les sanitaires. Elles ne pourraient pas dormir comme tout le monde, enfin, comme les gens normaux, et venir travailler matin, midi ou soir.

Donc, je disais et si je compte à rebours bien, réveil à 3 heures 15 minutes et 56 secondes tapantes.

Faut savoir qu’à cette heure-là, il n’y a pas grand monde sur les pontons. Et moi qui rêvais d’adieux déchirants, de sanglots angoissants, de mouchoirs larmoyants. Rien de tout cela. Juste 2 ou 3 mouettes se sont senties concernées et ont décollé en lançant de grands cris rauques comme elles seules en sont capables.

Par « commune facilité» je vous traduirai ce que j’entendis hurler depuis le carré d’une embarcation voisine : « Vogel les mouettes ! ». Devait s’appeler le « Petit Baigneur » le rafiot braillard, et son proprio ferait partie de la famille Castagnier que ça ne m’étonnerait pas, tien.

Bon, me voila z’en mer (« de zee » pour la « commune facilité » toujours). Et comme deux malheurs n’arrivent jamais seuls, le vent, lui, est resté bien au chaud sous sa couette et n’est jamais venu. Enfin si, mais bien tard. J’avais déjà parcouru presque la moitié de la route…

Imaginez, Dunkerque – Calais avec un moteur de mobylette qui vous suit à 1m50 alors que vous marchez d’un pas soutenu pour ne pas vous endormir. J’avoue qu’à ce moment là, tout marin qui se respecte se demande quand même s’il n’aurait pas mieux fait de choisir mini-golf comme passion irrépressible.

Heureusement, la fin de la ballade s’est plutôt déroulée les 2 doigts dans le nez. Un pour le blanc, un pour le gris.

Et c’est vers 10h30, après avoir été suivi une bonne demi-heure par la vedette des douanes, que je posais mes amarres, juste derrière Kermahy, le First 30 de Fabrice.

Seb 2

Parce que ce n’est pas tout. J’allais quand même pas prendre le train pour rentrer sur Dunkerque. De toute façon, ma carte bancaire n’avait pas encore eu le temps de récupérer de sa surchauffe de la veille. Non, non, non. J’avais commandé un bato-stop. Retour par la mer et ses deux caps, pour récupérer mes doigts.

Et hop, on ressort la table des marées, les prévisions météo, la bouteille de chouchen et le saucisson… Ben zut, le retour, on le fera de nuit ! Départ à 22 heures.

Nez en moins, captain Sebs vaque à ses occupations de captain. C'est-à-dire scruter l’horizon, sentir le zéphyr, anticiper l’aquilon.

 

Photos-0009

Et c’est ainsi qu’en pleine nuit, le moindre vent qui d’aventure fait rider la face de l’eau, encore une fois nous fit défaut. Point de roseau qui ploie ni de chêne qui rompoie. Juste le bruit du moteur qui vrombit, jusqu’à notre arrivée à Dunkerque à 6h30 dimanche matin.

 

Et c’est ainsi, mes bien chers frères, mes bien chers sœurs, que je vous convie à vous joindre à moi pour mes futures sorties nocturnes en mer à bord de Gwenvidik. Certes, en mer, la route n’est pas forcément longue, c’est le temps qui l’est. Certes les nuits sont courtes et les week-end aussi. Mais, foi de charbonnier, je n’échangerais ma place de Captain Sebs pour rien au monde.

Bon, faut que je me prépare, la régate, c’est déjà samedi…

 

 

Captain Sebs, espèce rare de marin nocturne.

 

 

Publié dans Blablas de mer

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article